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Ces informations qui forment les bulles

mercredi 31 août 2011, par Christine Deslandes


Avant leur implosion, les « bulles » financières sont difficiles à identifier, et ce, même par des spécialistes chevronnés. L’ancien président de la Réserve fédérale, Alan Greenspan, n’avait effectivement pas anticipé celle des marchés boursiers des années 90, pas plus que celle de l’immobilier qui sévit de nos jours...

Ainsi, dans son autobiographie parue en 2007, M. Greenspan évoque son sentiment de malaise face aux exagérations boursières (« irrational exuberance ») des années 90, mais avoue également « qu’il est impossible d’identifier une bulle avec certitude, et encore moins d’y remédier avant qu’elle n’explose ». Il confirme cette difficulté à identifier des bulles en disant qu’il ne détectait pas une bulle immobilière mais « une multitude de petites bulles locales qui ne pourraient jamais nuire à l’ensemble de l’économie ».

Or, la crise qu’ont traversé en 2007 et 2008 les marchés américains et mondiaux était précisément due à cette incapacité d’isoler et d’appréhender la bulle immobilière. Nous devons donc considérer l’hypothèse tout à fait crédible qu’un certain nombre d’investisseurs et d’opérateurs sensés et rationnels, n’étant pas à même d’identifier cette bulle, ont persisté à investir sur ce marché dans le but de maximiser leurs profits.

Dans un article paru sur le sujet en 1992, Bikhchandani, Hirschleifer et Welch, trois économistes, avaient défini le phénomène en le comparant à une « cascade d’informations » responsable du fourvoiement d’investisseurs, par ailleurs disciplinés, et de la formation de bulles financières. Cette théorie, qui permet effectivement de décrire le cadre de la crise que nous traversons actuellement, repose principalement sur la problématique de la chaîne de transmission des informations.

Selon Bikhchandani, Hirschleifer et Welch, si un groupe de personnes doit prendre une décision basée sur des informations véridiques mais incomplètes, chaque individu - ayant certes reçu un morceau d’information correcte - aura néanmoins tendance à prendre la mauvaise décision ! Dans le cas de la bulle immobilière, si chaque individu qui doit prendre une décision quant à l’opportunité de l’acquisition d’un bien dispose de 60 % des chances de prendre la bonne décision, il n’en reste pas moins que chaque individu - pris séparément - ne dispose pas à lui seul de toutes les informations indispensables à cet acte, notamment des informations lui permettant de discerner une bulle... Ainsi, les informations qui sont à la disposition de chaque individu - même celles qui sont à la disposition d’une personne comme M. Greenspan - seraient fiables quoique incomplètes de telle sorte qu’elles ne permettent pas de se faire un jugement clairvoyant et bien adapté aux circonstances.

Certes, cet écueil pourrait être évité en mettant toutes les informations en commun dans le cadre d’une réunion plénière regroupant tous les investisseurs et à l’issue de laquelle serait prise une décision collective qui serait la bonne... Pourtant, ce partage d’informations se pratique rarement dans la réalité, car la décision d’investissement – et le passage à l’acte - est d’abord et avant tout une démarche solitaire et personnelle.

Considérons ainsi le cas de Jacques. Il fait partie des 40 % qui prennent la mauvaise décision, c’est-à-dire qui achète malencontreusement un bien immobilier en dépit d’indicateurs et d’un marché défavorables. Georges, un autre investisseur, voit que Jacques a manifestement payé très cher, car il dispose d’informations sur ce marché qui semblent contredire la décision de Jacques. Pourtant, Georges, conscient qu’il ne dispose pas de toutes les informations relatives à ce marché, se résout également à y investir. Ainsi, nos deux compères, qui ont pris une mauvaise décision, entraîneront d’autres investisseurs dans leur sillage, qui seront convaincus de ne pas disposer d’informations aussi complètes que ceux ayant déjà acheté, et ce, en dépit d’un marché surévalué !

Toujours selon Bikhchandani, Hirschleifer et Welch, cette cascade d’informations aboutit dans 37 % des cas à une mauvaise conclusion, c’est-à-dire que plus du tiers des 60 % d’individus rationnels disposant d’informations valables seront amenés à prendre des décisions inappropriées ! Ainsi, ce phénomène de cascade est-il susceptible de fausser le jugement de tout individu, même les plus sensés et réfléchis !

Cette théorie bat en brèche celle de l’efficience des marchés selon laquelle chaque opérateur en bout de chaîne est amené indépendamment à prendre ses décisions selon les informations dont il dispose et qui aboutit à la conclusion contestable que le marché a toujours raison car, en finalité et pour solde, selon le théorie de l’efficience, le marché prendra toujours la bonne décision... Mais que devient cette théorie, qui pose comme principe de base que les individus sont rationnels, dès lors que, dans la réalité, ces mêmes investisseurs sont constamment influencés par leurs émotions ainsi que par des facteurs exogènes, tels que des campagnes publicitaires de lobbies de l’immobilier ?

Dans un tel contexte, on peut comprendre que même des experts et des spécialistes puissent se laisser abuser et entraîner à alimenter des bulles, tout comme on peut d’ores et déjà prévoir que de telles cascades d’informations seront également responsables d’exagérations à la baisse dans certains marchés !

Cet article est fourni par Michel Santi, de Gestion Suisse

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