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REEE : qu’advient-il au décès du souscripteur ?

mardi 13 septembre 2011, par Christine Deslandes


Qu’adviendrait-il si une personne qui a ouvert un régime enregistré d’épargne-études (REEE) pour un enfant décédait sans avoir pris soin d’indiquer le nom d’un proche qui prendra la relève ? « Il y aurait un tas de complications », prévient Floyd Gradley, spécialiste en droit successoral et fiduciaire chez Mackenzie.

Pour illustrer ces conséquences, M. Gradley a échafaudé l’histoire de Louise, décédée dernièrement. Linda, sa fille, est son exécutrice testamentaire. Le testament désigne trois héritiers à parts égales : Linda, Jacques, le frère de Linda, et Pauline, sa sœur.

Il y a quelques années, Louise avait ouvert deux REEE, l’un pour Laure, la fille de Linda, et l’autre pour Pierre, le fils de Jacques – Pauline n’a pas d’enfants. Pierre est présentement au cégep et, avant le décès de Louise, il touchait des paiements d’aide aux études (PAE), qui sont en fait des retraits de son REEE pouvant se composer de subventions, de capitaux et de revenus de placements.

Les contrats des REEE permettaient à Louise de désigner un nouveau souscripteur qui aurait repris ses droits à son décès. Mais elle n’a désigné personne. Si elle l’avait fait, le nouveau souscripteur aurait pu maintenir les REEE en place, et Linda aurait ainsi pu régler plus facilement la succession de sa mère.

En l’absence de cette désignation, le sort des REEE est normalement déterminé par le testament. Mais Louise n’en fait aucune mention spéciale. Si cet acte avait prévu le transfert des droits de Louise à de nouveaux souscripteurs dûment désignés, ces derniers auraient pu maintenir les REEE en place après son décès, conformément aux dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu. Mais ce transfert ayant été omis, les REEE font partie de la masse successorale devant être partagée entre les trois héritiers.

Pauline se montre intransigeante, elle veut recevoir sa part complète de l’héritage, y compris le tiers de la valeur des REEE. Pour procéder à ce partage, Linda sera peut-être obligée de démanteler les régimes. Il est en effet possible de liquider un REEE et, dans certaines conditions, son souscripteur peut toucher un paiement de revenu accumulé (PRA) - des revenus de placements générés par les cotisations et les subventions. Voici ces conditions : le souscripteur doit être domicilié au Canada, le PRA doit être prévu dans le contrat du REEE, le REEE doit avoir au moins 10 ans d’existence, et le bénéficiaire doit avoir au moins 21 ans et ne pas avoir droit à des PAE.

Lorsque ces conditions sont remplies, le gouvernement fédéral se voit restituer toutes les subventions qui n’ont pas été versées sous forme de PAE et le souscripteur récupère ce qui reste de ses cotisations, ainsi que le PRA. Si le souscripteur est décédé, c’est à la succession que reviennent les cotisations et le PRA. Le PRA constitue alors un revenu imposable et donne également lieu à une pénalité fiscale de 20 %. Toutefois, si, à la liquidation, l’une ou l’autre de ces conditions n’est pas remplie, le contribuant (ou sa succession) doit renoncer au PRA au profit d’un établissement d’enseignement désigné. Comme, dans notre exemple, ces conditions ne sont pas remplies, les PRA seront perdus et la succession pourra seulement conserver les cotisations.

L’héritage se trouverait donc considérablement écorné si Linda devait démanteler les REEE. Mais il existe des options permettant de les conserver. Ces options pourraient plaire à Pauline, puisqu’elles permettraient de protéger la valeur de l’héritage.

Selon le testament, Linda a droit de transférer des biens « en nature ». Ainsi, si Pierre était un des héritiers de Louise et si sa part d’héritage était plus importante que la valeur du REEE, Linda pourrait le lui remettre. Il suffirait alors à Pierre de cotiser au REEE pour en devenir le souscripteur.

Mais Pierre n’est pas un héritier. Par contre, son père, Jacques, l’est et pourrait s’arranger pour maintenir le REEE en place en l’acceptant comme élément de son héritage. Il deviendrait alors le souscripteur en y versant des cotisations. Ou il pourrait autoriser Pierre à y cotiser, ce qui ferait de lui le souscripteur.

Mais Jacques s’oppose à ce que Pierre soit le souscripteur du REEE. Il redoute que, dans pareil cas, ce dernier n’arrête ses études et liquide le REEE, pour mettre la main sur les cotisations inutilisées et la valeur nette d’impôt du PRA.

De plus, Jacques n’est pas prêt à accepter le REEE dans son héritage à moins que la valeur qui lui est attribuée ne comprenne ni les subventions inutilisées ni l’obligation fiscale découlant d’une liquidation du régime.

De leur côté, Linda et Pauline estiment que la valeur du REEE ne devrait pas comprendre les subventions car celles-ci doivent être restituées au gouvernement fédéral advenant une liquidation du régime. De plus, l’exigence de Jacques de tenir compte de l’éventuelle obligation fiscale dans l’évaluation du REEE place Linda dans une position très difficile.

Le comptable qui s’occupe de la succession a prévenu les trois héritiers qu’il serait malaisé d’évaluer l’obligation fiscale. Il faudrait en outre estimer la valeur future des cotisations et des subventions, la durée des études de Pierre et le taux d’imposition de Jacques au moment de la liquidation.

Linda est donc coincée entre deux feux. Elle aimerait préserver le REEE de Pierre, mais, si elle attribue une faible valeur à l’obligation fiscale, Jacques risque de refuser ce legs. Si, en revanche, elle lui attribue une valeur plus élevée, ce sera Pauline qui sera mécontente puisque sa part d’héritage sera moindre.

Les complications sont encore pires lorsqu’il est question du REEE de Laure, la fille de Linda. Comme elle est mineure, même si son nom avait figuré sur la liste des héritiers, il aurait été impossible de lui remettre le REEE dont elle est bénéficiaire. Cependant, Linda aurait pu recourir à d’autres options.

Si le testament avait établi une fiducie testamentaire au nom de Laure, le fiduciaire aurait pu cotiser au REEE et en devenir ainsi le nouveau souscripteur. Ou encore, Linda aurait pu se prévaloir de la procuration générale que contiennent la plupart des testaments, autorisant l’exécuteur à transférer la part d’héritage d’un mineur à ses parents, pour qu’ils la lui conservent en fiducie jusqu’à sa majorité.

Si la part d’héritage de Laure avait été plus importante que la valeur du REEE dont elle est bénéficiaire, Linda, en tant que parent de Laure, aurait pu le conserver pour sa fille, pour le maintenir en place. Mais Linda n’aurait pas eu le droit d’en devenir la souscriptrice, étant donné que les cotisations (et l’éventuel PRA) auraient appartenu à Laure. Cependant, Laure aurait pu y verser des cotisations dès sa majorité.

Mais Laure ne fait pas partie des héritiers. Par contre, tout comme Jacques, Linda peut maintenir le REEE en place en le prenant comme élément de sa part de l’héritage. En y cotisant, elle en deviendrait la participante. Mais, ce faisant, elle créerait un conflit d’intérêts, car, en tant qu’héritière, elle veut qu’on tienne compte de l’obligation fiscale qu’engendrerait une éventuelle liquidation du régime, et elle veut que la succession acquitte les frais de cette évaluation. Par contre, en tant qu’exécutrice testamentaire, Linda est tenue de traiter tous les héritiers sur un pied d’égalité. Or, la diminution de la valeur des REEE et l’emploi de fonds de la succession pour payer leur évaluation contribueraient à réduire la part revenant à Pauline.

Seule avenue possible, il faudrait que Pauline reconnaisse que les PRA pouvant être perdus par la succession si les deux REEE étaient démantelés dés aujourd’hui ont une valeur supérieure à la diminution de sa part d’héritage résultant d’une évaluation des REEE et aux frais occasionnés.

Linda se retrouve donc avec des complications du fait que la succession de Louise a été mal planifiée. Si elle ne prend pas les bonnes décisions, les autres héritiers risquent de la tenir responsable de toute diminution de la valeur de la succession.

Bref, ce qui aurait dû constituer un simple transfert des REEE à de nouveaux participants est devenu un casse-tête administratif, causant des frais et des querelles familiales.

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