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Stratégies de planification utilisant des fiducies

jeudi 29 mars 2012, par Christine Deslandes


Une fiducie permet d’isoler une partie du patrimoine familial. Ce faisant, on peut protéger ce capital, fractionner le revenu ou protéger financièrement un bénéficiaire (ex. : handicapé). Mais ce montage financier n’est pas « waterproof ». Dans son livre « Stratégie de planification utilisant des fiducies », Caroline Rhéaume, avocate-fiscaliste indépendante, explique le fonctionnement et les limites de ces structures.

Q. On a l’impression que les fiducies sont surtout employées par les gens d’affaires. Est-ce réellement le cas ? De plus, y a-t-il des stratégies que les propriétaires d’entreprise québécois aiment particulièrement employer ?

R. La fiducie testamentaire, c’est-à-dire celle créée dans le testament, est assez répandue. Le patrimoine au décès est souvent assez important pour créer des fiducies testamentaires.

Pour les fiducies créées du vivant, ou fiducie entre vifs, ce sont surtout les gens d’affaires et les professionnels autorisés à s’incorporer qui les utilisent. La protection d’actifs est une des raisons. Elles servent aussi assez souvent dans un contexte de planification successorale et de transfert d’entreprise à la prochaine génération. Par exemple, un parent peut vouloir faire participer ses enfants dans son entreprise, sans vouloir donner des actions directement à ses enfants. Si le parent ne sait pas encore qui parmi ses enfants prendra la relève, la fiducie donne le temps au parent de faire son choix. Plus tard, les actions peuvent être remises à l’enfant qui assure la relève dans l’entreprise.

La fiducie entre vifs est aussi souvent utilisée dans les planifications de gel successoral. Il s’agit généralement pour le parent d’échanger ses actions ordinaires de sa compagnie contre des actions de gel rachetables pour un montant égal à la juste valeur marchande des actions échangées. Une fiducie familiale vient ensuite souscrire les nouvelles actions participantes pour un montant nominal. Grâce à cette planification, nous pouvons en quelque sorte geler l’impôt payable par le parent à son décès, car cet impôt se calcule en fonction de la valeur des actions de gel. Toute l’augmentation future de valeur de la compagnie, et l’impôt s’y rattachant, sont transférés à la fiducie.

La fiducie entre vifs permet également un fractionnement du revenu avec des membres de la famille qui ont peu ou pas de revenus. Si la fiducie détient des actions d’une société privée, il est possible de verser des dividendes à un conjoint ou à un enfant majeur bénéficiaire de la fiducie ayant peu ou pas revenu. Dans un tel cas, les dividendes sont imposés entre les mains de cette personne. Selon le montant versé, il peut en résulter peu ou pas d’impôt payable. Il faut être prudent toutefois car certaines règles d’attribution retrouvées dans nos lois fiscales viennent restreindre les planifications de fractionnement du revenu entre les membres d’une même famille. Par ailleurs, si le dividende est versé à un enfant mineur, il sera imposable à un taux élevé car le kiddie tax ou impôt des enfants mineurs trouvera application. Ceci n’est donc pas recommandé.

Q. Dans le livre, vous parlez des frais qu’entraîne la mise en place d’une fiducie. Vous dites que ces frais nécessitent de bons actifs ou revenus, à moins que la création de la fiducie soit jugée nécessaire. Pouvez-vous donner un exemple de fiducie qu’on souhaiterait mettre en place coûte que coûte ?

R. Si l’objectif de la fiducie est la protection d’un individu ou la conservation d’un bien particulier (tel un chalet) dans la famille, la valeur des biens à transférer a moins d’importance. Par exemple, un parent qui a un enfant ayant un handicap mental voudra souvent que des sommes soient prévues si jamais le parent décède. Même si les sommes ne sont pas très élevées, il peut être plus prudent de faire administrer les sommes par un fiduciaire pour le bénéfice de l’enfant. Un parent qui aurait un enfant qui a des problèmes de jeu, d’alcool ou de drogue ne voudra généralement pas laisser un legs en propriété directe et préférera un legs en fiducie.

Q. Comme vous l’expliquez, la fiducie est une opération de transfert de biens, réalisée par une personne physique ou morale, au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires. Particularité de cette structure, les avoirs concernés sont confiés à un fiduciaire qui agit dans un but déterminé ou pour le compte du ou des bénéficiaires. Dans le livre, vous parlez de divers risques que peut entraîner le choix du fiduciaire. Que faut-il plus précisément éviter ?

R. La contrainte principale vient du Code Civil du Québec qui mentionne qu’une fiducie de droit civil doit toujours avoir un fiduciaire qui est ni constituant, ni bénéficiaire. Nous référons à un fiduciaire impartial ou indépendant. Il peut s’agir d’une personne de la famille, un ami, un professionnel ou une société de fiducie. Par ailleurs, selon les biens à administrer dans la fiducie, il peut être préférable de nommer un fiduciaire qui a une certaine expérience dans le domaine des placements ou dans le domaine des affaires. Notons toutefois que le fiduciaire peut toujours se faire conseiller par un professionnel, si nécessaire.

De plus, le fait de nommer des fiduciaires qui ne résident pas au Canada peut compliquer la situation. Aussi, dans un contexte de famille reconstituée, si les enfants d’un premier mariage ne s’entendent pas avec le nouveau conjoint, il est préférable de ne pas nommer ledit conjoint comme fiduciaire de la fiducie des enfants et vice versa. Cela peut donner lieu à certains conflits.

Q. Dans votre livre, vous dites qu’il est possible d’invalider une fiducie en se référant au motif de sa création. Ainsi, une fiducie de protection d’actifs peut être contestée si elle est constituée lorsque le contribuable éprouve des problèmes avec ses créanciers. De même, une fiducie mise en place en vue de fractionner le revenu ou de protéger des actifs peut être remise en cause s’il est possible de prouver qu’elle a été créée en vue de limiter les droits du conjoint à une pension alimentaire ou au paiement d’une somme globale. Comment éviter ce genre de contestation ?

R. Si quelqu’un veut contester la validité d’une fiducie, nous ne pouvons pas vraiment empêcher ce fait. Toutefois, si la fiducie a été bien rédigée et que toutes les étapes ont été soigneusement suivies, il est difficile de percer la fiducie. Par exemple, en ce qui concerne la fiducie de protection d’actifs, il faut comprendre qu’elle ne protège pas contre les créanciers qui ont des réclamations contre le constituant au jour de sa mise en place. Toutefois, elle protège contre les réclamations futures non connues du constituant lors de la mise en place de la fiducie. Il est généralement préférable de constituer cette fiducie avec un lingot d’argent plutôt qu’avec un billet de banque. Il faut aussi s’assurer de ne pas perdre le bien qui a été utilisé pour la constitution de la fiducie afin de pouvoir prouver sa création en tout temps. Enfin, il est préférable de constituer la fiducie par acte notarié et de bien documenter tout transfert de biens à la fiducie.

Dans un contexte matrimonial, on ne peut pas se servir de la fiducie pour échapper à nos obligations alimentaires. En ce qui concerne les biens qui ne sont pas soumis au régime matrimonial ou au partage du patrimoine familial, on peut tout de même vouloir les mettre en fiducie pour d’autres raisons, comme les protéger contre les créanciers. Ici, encore, il s’agit de bien constituer la fiducie et de s’assurer que les fiduciaires consignent leurs décisions par écrit.

Q. À l’heure où les contrats de rente et d’assurance qui protègent normalement les REER d’une saisie sont passés au peigne fin par les créanciers, avec pour résultat que les fonds sont parfois saisis, vous dites qu’il existe d’autres solutions. Que proposez-vous exactement ?

R. Dans le livre, je mentionne qu’un régime de retraite individuel (RRI) peut procurer une meilleure protection contre les créanciers. Le RRI est une alternative au REER. Le RRI est un régime de pension agréé créé pour un ou plusieurs individus qui sont des employés-actionnaires ou des employés clés d’une entreprise. Il est vrai toutefois que le RRI comporte généralement une convention de fiducie. Les cotisations faites au RRI sont donc gérées par un fiduciaire.

À titre de comparaison, le REER est protégé en cas de faillite, sauf pour les cotisations faites dans les 12 mois précédant la faillite, mais il ne l’est pas en cas de difficultés financières. Le RRI apporte une meilleure protection dans ce dernier cas. Évidemment, d’autres éléments sont à considérer avant de mettre en place un RRI.

Q. L’Agence de revenu du Canada a les fiducies à l’œil. Elle pourrait invalider certains montages financiers. Dans votre livre, vous parlez en outre de situations où une fiducie permettrait à un contribuable d’être assujetti au taux d’imposition plus avantageux d’une autre province ou convertirait des dividendes en un gain en capital entre les mains d’enfants mineurs. Que doit faire le constituant d’une fiducie qui réalise que celle-ci est maintenant dans la mire de l’ARC ?

R. Selon le cas, il peut être nécessaire de faire une divulgation volontaire aux autorités fiscales si le montage fait en sorte que des impôts qui auraient dû être payés ne l’ont pas été. Autrement, si la planification permet d’économiser des impôts dans les limites permises par nos lois fiscales, il s’agit d’avoir un bon dossier qui contient tous les documents relatifs à la fiducie (ex. : acte de fiducie, déclarations de revenus, résolutions des fiduciaires et relevés bancaires) pour défendre le dossier si jamais les autorités fiscales posent des questions.

Il faut également noter que le gouvernement fédéral, dans son budget 2011, est venu modifier la Loi de l’impôt sur le revenu pour empêcher certaines planifications qui permettaient de convertir des dividendes en gain en capital pour ensuite remettre ce gain à des enfants mineurs, ce gain n’étant pas assujetti au kiddie tax.

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